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COTE D’IVOIRE : Des ministres ne se sentent pas concernés par l’émergence en 2020

En accédant à la magistrature suprême, Alassane Ouattara a affiché son ambition de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020. Noble vision. Mais les Ivoiriens sont-ils prêts à accompagner leur président afin que ce rêve devienne réalité ? Beaucoup d’actes et de propos s’opposent à cette attente légitime.

Les Ivoiriens sont connus pour leur sens de l’humour. Ils ne manquent pas de flegme pour "tourner en dérision" tout ce qui se passe : événement heureux ou malheureux. Même le mal et la souffrance d’autrui – surtout quand ce dernier jouit d’une notoriété – n’échappent pas aux railleries d'admirateurs et ennemis. Dernier exemple en date, la jambe boitillante du chef de l’Etat, séquelle douloureuse de la sciatique dont il a été opéré. Pour les partisans et les supporteurs, rien de méchant. La moquerie s’improvise comme moyen de dissiper l’angoisse qui tenaille l’esprit. Une façon de conjurer le sort. En effet, dans le cas du président Alassane Ouattara, beaucoup de langues l’avaient annoncé mort pendant son opération. Avouons-le : des militants du parti de monsieur Ouattara ont confié à leurs proches que ce dernier est mort. Le voir ensuite retourner au pays sain et sauf a donné cours à des effusions de joie. On s’est moqué de son pied chancelant. Expression d’une joie débordante. Ô ivoiriens et ivoiriennes à l’imagination fertile !

Mais problème : en prenant tout à la légère, on finit par ne plus savoir la frontière séparant le sérieux de l’amusement. En ayant un sens de l’humour débordant, on finit par ne plus savoir ce qui est à considérer. On finit par ignorer là où s'arrête la comédie. Pis, on finit par s'exclure comme acteur de la marche de sa patrie vers le progrès, et à désigner (inconsciemment) l'autre comme l'unique responsable.

Visiblement, les Ivoiriens ne se sentent pas concernés par l’émergence de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2020. Ce qu'ils disent du concept en témoigne. Du Premier ministre au citoyen anonyme, en passant par le ministre d’Etat, les discours publics contrastent avec l’ambition présidentielle. On fait de l’émergence l’affaire du seul Alassane Ouattara. « Vous avez, l’ambition du chef de l’Etat, c’est de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020 ». Ces propos, je les entends presque chaque jour sortir de la bouche de nos dirigeants. Oui, messieurs les ministres et directeurs généraux ! Le président ambitionne de faire de son pays une nation émergente. Et vous ? Que voulez-vous pour votre pays ? Apparemment, l’immersion (le sous-développement).

On pense à tort que le développement (social, économique, culturel…) est l’affaire des seuls présidents. A part eux, personne d’autre ne se sent concerné. Et ça se voit encore chez le citoyen lambda. Dès que survient le moindre délestage, scandale : « avec ça, on nous parle d’émergence ! », j’entends souvent dire. Comme si le courant ne se coupe pas dans des villes de France, Etats-Unis, Angleterre.

Même réaction quand l’eau vient à manquer dans des quartiers : on s’en prend au concept d’émergence. On s’en moque avec un air sérieux. Ignorance monumentale ! Une seule hirondelle ne fait pas le printemps, dit-on. Réalité d’autant vraie quand il s’agit du progrès d’un pays. On part d’abord de soi. Comment je me comporte pour que mon pays progresse ? Quelle est ma relation avec le bien public ? En tant qu’autorité, est-ce que je respecte la loi comme tout le monde ?

Si l’Afrique noire a accusé un grand retard, après 50 ans d’indépendance, je ne pense pas que c’est dû à la mauvaise volonté de tous les présidents qui se sont succédé à la tête des Etats. A mon sens, c’est parce que leurs compatriotes ont pensé (à tort) que c’est à eux seuls incombait le développement. Les chefs d’Etat, certes les plus puissants des hommes. Mais pas assez pour posséder le pouvoir d’ubiquité et être à la fois surveillant du Premier ministre et de chacun des 20 ; 25 ; 30 … 40 ministres, et de tous les fonctionnaires, pour s’assurer que le service public s’exécute bien.

L’émergence, Alassane la veut pour son pays. Mais si chaque Ivoirien, pris individuellement (ministres y compris), croit naïvement qu’elle est l’affaire de l’autre, au point de poser des actes contraires à cet idéal, la Côte d’Ivoire ne va jamais flotter à la surface de l’eau (émergée). On aura eu comme présidents tous les "cerveaux" que le pays compte, mais rien ne changera à notre condition de citoyens d'éternels "pays en voie de développement". Qu’est-ce qu’une ville, sinon ses habitants. Qu’est-ce qu’un Etat, sinon sa population. Vouloir l’émergence n’est rien d’autre que vouloir avancer (faire un pas en avant), quitter un stade inférieur vers un niveau supérieur. C’est d’abord dans la tête (mental ou mentalité) que l'idée prend forme. Celui qui se complaît dans l’ombre au point de refuser la lumière souffre sans doute d’une maladie.

Pour nombre d’Ivoiriens, le vœu présidentiel d’une Côte d’Ivoire émergente est un rêve. Ok. Mais ce sont les rêves qui fouettent les nations à avancer. Dans son livre La République, Platon disait que "l'utopie est la forme de société idéale. Peut-être est-il impossible de la réaliser sur terre, mais c'est en elle qu'un sage doit placer tous ses espoirs". Et Dostoïevski de poursuivre: « si un peuple ne croit pas qu’en lui seul se trouve la vérité, s’il ne se croit pas seul appelé à ressusciter et à sauver l’univers par sa vérité, il cesse immédiatement d’être un grand peuple… ».

Clivages politiques mis à part, l'appropriation du concept d'émergence doit être l'affaire de tout Ivoirien en possession de ses états mentaux. L'Ivoirien normal, soucieux du progrès de son pays, ne doit pas dire « l’ambition du chef de l’Etat c’est de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent … ». Mais plutôt « … notre (mon) ambition, c’est de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent… ». Puisque chaque parti, chaque homme politique aspire à diriger le pays, pour offrir le meilleur aux Ivoiriens. Et l'ambition noble que chacun des citoyens (politique et membre de la société civile) puisse avoir, c'est le développement de son pays. Ai-je donc fait, bien fait pour la Côte d'Ivoire ce que je dois ?

Tag(s) : #CHRONIQUES POLITIQUE
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